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"L’Argentine a le talent pour faire de bons films": Diego Lerman, réalisateur de The Substitute

Interview exclusive

Dans une interview exclusive accordée à Spoiler, Diego Lerman, réalisateur de Alterner, Il parle du film, de sa projection au Mexique et du moment que vit le cinéma argentin.

Alfredo Castro et Julio Minujín, protagonistes de El suplente (Photo : Pimienta Films)Alfredo Castro et Julio Minujín, protagonistes de El suplente (Photo : Pimienta Films)

Lucio ( Juan Minujín ) est un écrivain qui a perdu un concours littéraire et accepte de donner des cours de littérature en tant que professeur suppléant dans un lycée situé à la périphérie de Buenos Aires. Dans son nouvel emploi, il devra faire un gros effort pour gagner la confiance de ses élèves, Mais sa tentative de créer des liens avec les garçons subit une réaction particulière lorsque la gendarmerie entre dans l’école pour une descente de drogue. L’un des étudiants est arrêté et un autre doit se cacher pour éviter la vengeance du patron local, « el Perro » Olmos.

Le réalisateur argentin Diego Lerman a présenté Alterner à la Cineteca Nacional dans le cadre de la première que le film aura dans les salles mexicaines à partir du 26 janvier. Dans Spoiler, nous avons eu l’occasion de parler avec lui de son nouveau projet, qui est venu à Netflix en Argentine.

Entretien avec Diego Lerman, réalisateur d’El suplente

On voit qu’il y a du trafic de drogue dans la zone où se trouve l’école et qu’il s’étend jusque dans les salles de classe. On parle d’un territoire conquis par le crime organisé. Mais nous ne voyons pas de morts, nous ne voyons pas de violence explicite qui existe sûrement. Pourquoi avez-vous décidé de ne pas montrer ou d’éviter cela ?

Pour moi, c’était plus fort si cela (le crime organisé) était hors de propos. Bien que montrant l’intrusion de la gendarmerie dans l’école et plus tard le trafiquant de drogue dans une salle de bain, je voulais que cette présence reste en retrait et se concentre sur le contexte de l’enseignant avec ses élèves et sa famille. Ce n’est pas que je ne pense pas que ce soit important. Je voulais simplement que le crime fasse partie du paysage et ne focalise pas sa pertinence sur cette histoire qui s’occupe d’un autre aspect qu’est l’enseignant.

Un enseignant qui dans son inconscient, ou conscient, vit dans le déni d’accepter que sa fille ait 12 ans. Il insiste pour la voir à 11 ans. Ce rejet de l’adolescence de sa fille n’est-il pas contradictoire avec la recherche d’acceptation par ses élèves adolescents ?

La fille du personnage est ma fille dans la vraie vie. Ceux d’entre nous qui sommes parents commencent à les voir grandir et nous remarquons cet âge où l’on passe de la dépendance à l’autonomie avec d’autres idées, avec d’autres visions du monde. Passer de l’enfance à l’adolescence est une charnière difficile à accepter, mais que nous devons accompagner en tant que parents. Dans le cas de Lucio, l’enseignant doit accepter que sa fille ne soit plus une fille et qu’elle veuille une école différente de celle qu’il veut pour elle. Cela arrive, qu’en tant que père, il n’accepte pas cette transition.

Il y a une scène dans laquelle on voit la fille montrant à Lucio la position correcte d’un tableau qu’elle interprète de manière concrète lorsqu’il lui donne un sens abstrait. Est-ce une manière de nous dire que nous avons oublié d’écouter les nouvelles générations ?

Cette scène a été improvisée. Le tableau a été peint par ma fille et j’ai joué avec elle sur le plateau pour deviner ce que c’était. Ce jeu m’a amené à le poser comme un exercice sur scène pour voir comment Lucio réagissait au fait que la fille était capable de voir le monde d’une manière différente et beaucoup plus compréhensible que la façon dont il le voit. J’ai décidé de l’enregistrer. C’est au montage que j’ai eu envie de l’ajouter à l’édition finale car cela donnait plus de sens à la relation de l’enseignant avec l’univers des jeunes en classe.

À travers les textes que les élèves écrivent, l’enseignant et le spectateur découvrent que certains subissent des violences conjugales ou vivent des situations désagréables chez eux. Pourquoi avez-vous pris la décision de ne pas montrer ces problèmes pour la construction de la relation entre Lucio et ses élèves ?

L’une des difficultés de ce projet était de savoir ce qu’il fallait montrer et ce qu’il ne fallait pas. Il a été évalué au cours de l’enquête, dans les différentes révisions du scénario. Pour moi, l’important était de s’occuper de l’axe de la valeur de l’éducation, d’exalter la figure d’un enseignant comme Lucio enseignant des classes dans ces marges sociales et la relation scolaire. Une partie du travail du film consistait à comprendre un univers, à le comprendre et à choisir ce qui devait être montré. Avec cette prémisse définie, nous avons déterminé ce qui ne devrait pas être montré.

Une façon de résoudre la présence d’un trafiquant de drogue comme « el Perro » Olmos était l’apparition de chiens errants. Un langage symbolique. Le pensiez-vous dès le début ou ces chiens sont-ils apparus sur l’enregistrement ?

Ce que j’aime quand je filme, c’est d’intégrer les éléments de l’environnement où je filme. Ces chiens étaient là et je voulais les intégrer dans ce lieu. J’ai vu les chiens jouer et j’ai rapidement élaboré un plan avec le directeur de la photographie pour les intégrer. Ils étaient là. Ils convenaient au film.

Où en est le cinéma argentin aujourd’hui ? C’est à quel moment ? Vers l’extérieur, on perçoit qu’il traverse une bonne étape dans les productions et les propositions.

Le cinéma argentin est très vital. Il y a beaucoup de gens qui font des films. Nous sommes plusieurs à le faire depuis plus de 20 ans. Certains d’entre nous font partie d’une génération qui a commencé à faire des films au 21e siècle, à partir de l’an 2000. Il y a de nouvelles générations qui apportent de nouvelles idées. D’un autre côté, c’est une industrie qui est en crise tout le temps. Le mode de financement est compliqué, difficile. En revanche, l’Argentine a le talent et la diversité pour faire de bons films, mais la situation économique du pays n’est pas si bonne. Ce qui reste, ce sont des regards artistiques, des talents d’acteur, des talents techniques. Ce qui nous manque, ce sont les ressources. C’est pourquoi nous continuons à faire des films avec les moyens dont nous disposons ou via des coproductions. Un financement est nécessaire de toute urgence pour soutenir l’énergie et la créativité de notre cinématographie de manière stable.

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